« Tout enfant à sa place dans Cantania » Rencontre avec Laurence Ejzyn, coordinatrice du projet à Bozar

Cantania est un projet de chant proposé aux écoles francophones et néerlandophones de Bruxelles. Tout au long de l’année scolaire, 400 élèves répètent en classe avec leurs enseignants, avant de se retrouver sur la scène de Bozar pour deux grands concerts. Tous ensemble et entourés de professionnels, ils chantent une cantate composée et écrite pour l’occasion, en français et en néerlandais. Ce projet a été conçu en Espagne, à l’Auditori de Barcelone, il y a plus de 25 ans, et a été repris à Bozar dès 2014. Rencontre avec Laurence Ejzyn, coordinatrice du projet à Bozar.
04/08/2022

Quels sont les objectifs poursuivis ?

L’idée principale est de remettre le chant à l’honneur dans les classes et les écoles, avec un focus particulier sur Bruxelles. On constate qu’en Belgique, peu d’enseignants du primaire ont appris à chanter – à moins qu’ils n’aient développé cette compétence dans la sphère privée. Ce projet permet donc de former les enseignants pour qu’ils puissent chanter en classe régulièrement avec leurs élèves, voire même au-delà du projet. 


Pour les enfants, Cantania est un projet de développement individuel et collectif. Chanter en classe, sur une scène comme celle du Palais des Beaux-Arts, en compagnie de professionnels, est un excellent renforçateur de l’estime de soi. Les enfants sont responsabilisés. Ils ont conscience d’offrir au public un beau spectacle, une création artistique, musicale et scénique. On observe une grande solidarité entre les enfants. La façon dont ils se perçoivent les uns les autres et leur relation avec les enseignants évolue au fil du projet ; ils se découvrent autrement. Ajoutons à cela les bienfaits de la pratique du chant, du travail du rythme, du développement de la musicalité, qui stimulent la créativité.


Enfin Cantania rassemble des enfants et des enseignants des communautés flamande et francophone autour d’un projet commun. Tous sont amenés à se rencontrer et à collaborer. 

 

Comment cela s’organise-t-il pratiquement ? 

Tout commence avec l’envoi d’un appel à participation aux enseignants de Bruxelles. Après une rencontre avec les candidats, une sélection est opérée en raison du nombre important de candidatures. Nous veillons à respecter la parité linguistique et tenons à avoir une grande diversité socio-économique. Ce projet n’est pas uniquement réservé aux enfants qui ont déjà un accès à la culture : l’idée est de s’ouvrir à tous. Aborder ce projet dans le cadre scolaire (et non parascolaire) est la clé de cette diversité.


Quatre formations, réparties sur l’année à partir d’octobre, sont ensuite proposées aux enseignants. Elles leur permettent d’aborder la cantate avec assurance, en disposant d’outils pour travailler la pièce avec leurs élèves, mais aussi d’exercices de rythme et de techniques échauffements, le tout sous forme ludique. Il faut que cet apprentissage reste amusant pour les enfants. Des tutoriels vidéo et dossiers pédagogiques sont aussi mis à disposition. 


Aux formations s’ajoutent deux journées de répétition à Bozar : tous les enfants se rencontrent pour la première fois vers février. Ils comprennent alors comment la voix qu’ils chantent s’intègre dans l’ensemble et fonctionne avec les autres voix. Lors de la deuxième journée de répétition, les musiciens sont présents et ajoutent une dimension supplémentaire au projet. Enfin, le concert final au mois de mai, c’est la cerise sur le gâteau. C’est l’aboutissement du projet, mais le plus important reste surtout ce qui aura été réalisé durant toute l’année.


Quelles sont les valeurs du projet ?

Les valeurs principales sont celles de la diversité et de l’inclusion. Nous tenons à ce que Cantania soit représentatif des différentes classes socio-économiques. Nous incluons également des classes de l’enseignement spécialisé, des enfants en chaise roulante ou avec des troubles du spectre autistique par exemple. Cette année, nous avons accueilli des enfants ukrainiens, qui ont rejoint le projet en cours de route. Tout enfant à sa place dans Cantania.


En outre, les cantates traitent de sujets de société. Cette année, c’était la migration. Lors des éditions précédentes, nous avons abordé l’adoption, la consommation, le matérialisme, l’écologie, etc. Il ne s’agit pas uniquement de chanter, mais aussi de faire réfléchir. Des dossiers pédagogiques sont proposés pour aider les enseignants à aborder ces sujets difficiles, parfois vécus directement par les enfants eux-mêmes (migrants, adoptés, etc.). Beaucoup de participants et de personnes du public nous ont confié avoir été émus par l’histoire racontée. Quel que soit le sujet, nous veillons à ce qu’il soit traité à mesure d’enfant. 

 

Quelle est l’importance du soutien de la Fondation ENGIE dans ce projet ?

La Fondation ENGIE est le sponsor principal de Cantania. Elle fournit un soutien financier qui nous permet de rétribuer le compositeur, l’auteur, la pédagogue musicale, le chef d’orchestre, le scénographe, les comédiens, de couvrir les frais des enregistrements, les lumières, la location du matériel technique, etc. Nous demandons aux enseignants une participation symbolique qui permet surtout de marquer un engagement dans le projet mais pas de couvrir tous les frais. Sans l’aide de la Fondation ENGIE, ce projet n’aurait tout simplement pas lieu.